Réparer le monde
Réparer le monde
Comment travaillez-vous avec La petite troupe ?
Certains enfants ont déjà fait du théâtre, d’autres sont novices. Déjà, à partir de jeux, j’essaie de constituer un groupe homogène, bienveillant, créatif et ouvert. Ensuite, je travaille l’écoute collective, le mouvement, la voix, l’espace, le texte à partir de différentes entrées : improvisations, protocoles chorégraphiques, écriture, images. Cette année, ils ont aussi des ateliers avec un vidéaste et un musicien. Créer un spectacle est une aventure humaine et créative, un espace de liberté d’expression. C’est ce que j’espère leur faire ressentir.
"Avec La petite troupe, nous allons tenter de créer une forme hybride, en écho à l’écriture de Daniel Conrod, entre théâtre, philosophie et installation."
Vous travaillez sur une adaptation contemporaine de l’Iliade écrite par Daniel Conrod. Quelle forme cette grande épopée va-t-elle prendre ?
Le texte de Daniel peut se lire comme une “fable post-pandémique” dans laquelle des questions fondamentales sont posées. Au fil de multiples réflexions, références, il y aborde des thèmes qui lui sont chers : le rapport à la mythologie, à l’Histoire, au pouvoir, à l’écologie et à notre capacité d’agir, et de “réparer” le monde. Quelque chose m’a aussi fait penser aux trois questions de Kant : Que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m'est-il permis d'espérer ? Avec La petite troupe, nous allons tenter de créer une forme hybride, en écho à l’écriture de Daniel Conrod, entre théâtre, philosophie et installation. Il y aura des scènes jouées par les enfants, d’autres par de jeunes comédiens, des projections vidéo (Vjing) en live créées par le plasticien François Feydy, une composition électro acoustique en live interprétée par Charles Millet. Les interprètes de La petite troupe seront au cœur d’un dispositif immersif.
À quel endroit de votre mise en scène ces enfants vous surprennent-ils ?
Les enfants sont placés dans un processus créatif où ils génèrent de la matière et participent à l’écriture du spectacle car certaines parties sont basées sur leurs propositions impulsées en ateliers. Ils écrivent, créent des scènes, des mouvements que je retravaille bien sûr, mais qui viennent d’eux et d’elles. Ils me surprennent par leur acuité, leur dynamisme, leur envie de s’exprimer. Ils s’emparent des enjeux du texte de Daniel Conrod avec beaucoup de sérieux et d'exubérance, à la fois. Ils apportent une énergie, un débordement incroyable.
"Contrairement à l’Iliade où la guerre est omniprésente, La petite troupe aspire à un monde apaisé."
Qu’est qu’Une Iliade permet à ces enfants de dire du monde d’aujourd’hui ?
Au cœur du texte de Daniel, il y a une notion très émouvante : celle de “réparer” le monde. Nous commençons à entamer une réflexion à ce sujet. Je crois qu’Une Iliade va leur permettre de confronter leur vision, de s’interroger, d’ouvrir des perspectives, d’inventer des possibles, de rire de questions graves. Lors des ateliers, les enfants semblent très conscients des choses à faire pour “réparer” le monde, ils ont évoqué beaucoup d’idées, d’envies : “un monde sans dirigeants”, “pour arrêter les guerres, il faut réparer les cœurs”, “mettre les armes nucléaires dans un grand trou et les détruire”, “arrêter de consommer la nature”. Contrairement à l’Iliade où la guerre est omniprésente, La petite troupe aspire à un monde apaisé.
Propos recueillis par David Sultan en février 2022.
Crédit photo © Alain Richard