Les rencontres initiées par Lazare
Les rencontres initiées par Lazare
« Tout ce que nous avons fait à travers ces Rencontres, c'est nous préparer à faire face à l'inconnu dans ce monde qui s'écroule »
Lazare
Novembre 2015 : les attentats de Paris laissent chacun·e dans un état de sidération, avec le sentiment de basculer dans un monde aux contours incertains. Et, comme tou·tes, les artistes cherchent des façons de continuer à avancer.
À la MC93, sous l'impulsion de l'auteur et metteur en scène Lazare, une cinquantaine d'artistes, de penseur·euses, d'acteur·ices de la scène culturelle se réunissent pour réfléchir à l'après, à la façon dont le théâtre peut réinventer son futur. Et tandis que le gouvernement décrète, pour la première fois depuis le putsch d'Alger, l'état d'urgence, elles et eux rétorquent par un état d'urgence culturelle.
Au cours de ces discussions nées à Bobigny émergent des questionnements récurrents, des interrogations qu'il semble important de partager. Il en découle des rencontres publiques, les Rencontres initiées par Lazare qui, dans différents lieux culturels du territoire de la Seine-Saint-Denis et à Paris, vont poser les bases d'un dialogue renouvelé autour du théâtre.
Le 9 juin 2016 au Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France
Aux artistes la création « déconnectée » de la réalité du terrain sur lequel ils recherchent ; aux acteur·rices du champ socio-culturel la prise en charge des publics. Un tel partage des rôles n'a plus de sens aujourd'hui. Pour autant, comment l'artiste peut-il s'investir sur le territoire où il est en création ? Comment cette présence transforme-t-elle aussi bien l'artiste que l'habitant·e ? Quelles sont les conditions d'une rencontre réussie ? Au cours de la discussion, il est question d'une nécessaire équité de la relation entre artiste et public, d'une rencontre où chacun·e doit pouvoir donner et recevoir à la fois. Mais aussi de comment, en ces temps bouleversés, le théâtre peut jouer un rôle comme espace pour refonder du commun.
« Je veux croire que le théâtre peut devenir un lieu de co-construction d'expériences avec les enseignants, les éducateurs, les penseurs pour aller vers d'autres manières de penser ».
Hortense Archambault
Avec Hortense Archambault, directrice de la MC93, Stéphanie Aubin, chorégraphe, Jamel Bouhassane, graffeur et complice du théâtre Louis Aragon, Mériem Derkaoui, vice-présidente du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis, en charge de la Culture, Emmanuelle Jouan, directrice du théâtre Louis Aragon, Lazare, auteur et metteur en scène et et les témoignages filmés de Catherine Boskowitz, metteuse en scène, D’ de Kabal, artiste et Jean-Claude Tchicaya, praticien, chercheur
Le 8 décembre 2016 à Théâtre Ouvert — Paris
La rencontre se propose d'explorer la façon dont la société a refusé de voir les clivages qui la traversent et que les attentats de 2015 ont mis en lumière. Les intervenant·es reviennent sur l'importance de créer du commun, ce qui ne relève pas de l'évidence mais nécessite un travail conscient. Plutôt que d'aborder le manque à l'échelle de la grande Histoire, les invité·es ont choisi de le regarder à l'aune de l'individu. Car le récit manquant, s'il n'est pas dit, provoque blessures, fantasmes, colère. De même, elles et ils se sont interrogé·es sur le fait de savoir si le récit manquant n'était pas parfois un « récit manqué ». Manqué parce que dans l'impossibilité d'être transmis et/ou d'être entendu par d'autres.
Le récit manquant porte, en creux, la question des récits dominants, qu'il convient d'examiner puisqu'ils masquent les autres. Sur le sujet de qui peut s'emparer de ces histoires qui n'occupent pas (encore) les plateaux, les intervenant·es refusent en bloc l'assignation identitaire, arguant que les questions sociales appartiennent à toutes et tous. Et la discussion d'ouvrir le champ à la thématique à venir sur la diversité sur scène.
Avec Nacera Belaza, chorégraphe, Guillaume Cayet, auteur, Caroline Guiela Nguyen, metteuse en scène, Lazare, auteur et metteur en scène, Caroline Marcilhac, directrice du Théâtre Ouvert et le témoignage filmé de Mario Batista, auteur et metteur en scène
Le 20 avril 2017 au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique — Paris
La diversité culturelle de la population n'est pas représentée sur scène, c'est un fait. Partant de cette évidence, les intervenant·es ont choisi d'ausculter les modèles qui nous conditionnent. Et de se pencher en premier lieu sur les stigmates, fruits d'un modèle dominant qui assigne et inhibe à la fois. Une domination en jeu dès l'école où on inculque la docilité davantage que l'émancipation aux jeunes issu·es des quartiers populaires.
La langue pour lutter contre les assignations apparaît alors comme un possible. Mieux encore le multilinguisme peut s'imposer comme un moyen d'abattre les dominations, tout comme la mise en valeur du bagage culturel dont les jeunes d'origine étrangère peuvent se prévaloir. À l'occasion des échanges, est aussi convoqué le désir de la rencontre avec l'autre pour franchir les murs qui séparent.
« Le modèle dominant est puissant, ravageur et commence dès la maternelle. (...) Tarzan ne tombe pas amoureux de Mariama ou d'Aminata, mais de Jane qui passait par là ».
Jean-Claude Tchicaya
Avec Ludmilla Dabo, comédienne, Olga Jirouskova, auteure et metteuse en scène, Lazare, auteur et metteur en scène, Camille Taillefer, enseignante d'histoire-géographie, Jean-Claude Tchicaya, chercheur et sociologue
Le 20 avril 2017 au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique — Paris
Les théâtres sont-ils des lieux d'hospitalité au sens étymologique du terme ? Le mot vient en effet du latin « hospitalitas » qui signifie « action de recevoir comme un hôte ». Or, le public se sent-il pleinement invité à pénétrer une institution qui peut parfois lui sembler intimidante ? La rencontre est l'occasion de partages d'expériences (La Fonderie au Mans, le CDN de Besançon). L'occasion aussi de rappeler qu'en accueillant la parole de voix minoritaires, le plateau devient d'ores et déjà espace hospitalier.
La condition de l'hospitalité au théâtre réside également dans l'élaboration d'un environnement commun pour pouvoir échanger, s'écouter, au-delà des différences. Concernant l'espace physique que représente le théâtre, est évoquée l'expérience de la MC93 et de son hall conçu en collaboration avec des habitant·es. Demeure la question de l'intendance propre à la gestion d'une salle qui peut entraver la fluidité et la spontanéité de l'accueil.
« Un théâtre devrait être un terrain de confiance où la confrontation est possible mais les rapports de force non prédéterminés ».
Frédéric Nauczyciel
Avec Hortense Archambault, directrice de la MC93, Love Leonis, membre du comité de pilotage du hall, Frédéric Nauczyciel, artiste visuel, Céline Pauthe, metteuse en scène et directrice du CDN de Besançon, Aurélie Ruby, metteuse en scène et comédienne